Pour les grands voyages, à vélo ou non, le plus dur est de partir. Ensuite, qu'est-ce que ça fait du bien de chevaucher son rêve à pleine vitesse !


Après le chapitre 3, je profite des dernières visites à Agadir et prends le temps de faire réviser tout le vélo chez un mécanicien. Ensuite, trop excité par l'aventure et mon nouveau vélo, je file dans la vallée de Taroudant. Le premier midi, déjà une preuve à peine croyable de la gentillesse et les générosité des marocain.e.s qui allait me suivre le long du voyage : alors que j'attire l'oeil de tout le monde en m'arrêtant pour une tajine et thé à la menthe dans un minuscule village le long de la route, je m'apprête à payer. Après moult incompréhensions je comprends que quelqu'un assis derrière a payé pour ma tajine sans rien dire et est parti sans même que je puisse le remercier. Ça me met évidemment dans un état de gratitude générale et me fait réfléchir sur plein de choses en France...


Les premiers jours sont consacrés aux mille petits réglages du vélo pour le comprendre et le prendre en main. Très vite la première grosse frayeur : je remarque que ma sacoche avant droite toute neuve est deja complètement déchirée et ouverte aux 4 vents ! Je me laisse pas démonter et m'associe sur le bord de la route à essayer de recoudre. Je pense ensuite trouver une petite boutique de couture au prochain petit village. "Machi Mouchkil", pas de problème comme ils disent tout le temps ici, que des solutions. Cela ne marche pas mais on m'aide bien et m'indique quoi demander à Taroudant.

Pour la première nuit, je me perds un petit peu en dehors de la route principale pour chercher un endroit où camper. Alors que je demande à quelqu'un devant la mosquée du coin où je peux poser la tente, Mohammed m'invite directement à dormir chez lui. C'est en fait lui le muezzin !

Incroyable soirée d'échange culturelle avec lui et ses 3 enfants, il "m'offre" la tajine (en fait faite par sa femme que je vois à peine...)

Je ne comprends évidemment pas toutes les manières de faire mais tout se fait dans la rigolade et petit à petit je comprends plus ou moins quoi faire en temps qu'invité. Le lavage de mains et de pieds avant le repas, le "bismillah" quand je commence à manger (qu'avec lui, femmes et enfants sont dans une autre pièce).


A Taroudant, j'ai la chance infinie de tomber sur Khalid, il aime aussi voyager à vélo et son métier est justement de créer des sacoches de voyage artisanales ! Il répare la sacoche mieux que neuf et ne veut absolument pas que je le paye. Après ça, j'ai envie de tester le vélo et le bonhomme et me perds dans des pistes improbables en allant en direction du haut Atlas qui m'appelle depuis un moment dans la vallée. La liberté est telle qu'elle m'arrache des cris du coeur, les vrais, ceux qui laissent tout ému et la larme à l'oeil. J'arrive à trouver un coin perdu pour poser ma tente au milieu des arganiers. Le lendemain, deux crevaisons sur des épines d'argan me calment un peu et je rejoins une route qui monte plus de 1200 m de denivelé direct dans le haut Atlas. La grande plaine agricole laisse place à une montagne aride et sauvage, qui teste mes limites physiques dès le début du voyage. C'est époustouflant dans tous les sens.

J'atterris bien fourbu à Argana ou je suis tout de suite invité par Hakim, président de la maison de l'artisanat ou le bois de Thuya est travaillé (pour faire tous les souvenirs des chameaux jusqu'aux petites boites polies, qu'on trouve dans les souks à Fes ou Marrakech) et je suis très touché. Il me propose de dormir dans une des salles de l'association. Il me montre aussi un endroit où manger au milieu de tout le village qui regarde le match du Maroc, ces matchs des "lions de l'atlas" me suivront encore tout le chapitre.


Le petit déjeuner offert sera classique au milieu des conversations berbères, puis je file pour monter de l'autre côté dans les montagnes au nord d'Agadir vers Immouzer. Je croise des enfants qui vont à l'école et me suivent, parfois un peu trop insistants. Les paysages changent d'une seconde à l'autre et la montagne désertique devient d'un coup verte et pleine de forêts de pins. Je croise Immouzer vide de ses touristes habituels, et les magnifiques cascades manquent cruellement d'eau avec la sécheresse. Je me cache dans une oliveraie avec ma tente et prend un départ matinal pour rejoindre la côte. La descente dans les palmeraies entourées de falaises rouges est féerique et ressemble à un film ! Puis la fin de journée est très difficile pour les nerfs car après encore une crevaison triple rustinée, je perds un peu confiance dans mes vieux pneus et jantes un peu voilées... Mais heureusement j'arrive quand même à Imsouane, mecque du surf et trouve assez vite un camping. Cet endroit est un autre monde, blindé de touristes venus chercher la magnifique vague et prendre des cours de yoga sur la plage. Je fuis assez vite par une longue piste difficile jusque l'incroyable oued vert qui se déverse sur la grande plage de Tafedna, petit village de pêcheurs avec une seule ligne de maisons et des tonnes de petites barques bleues.


"Chez Ahmed" je rencontre Max et Caro (deux français très sympas) et Fifi (portugaise) qui viennent surfer et voyager depuis des années au Maroc, qu'ils connaissent bien. Ils me donnent plein de conseils et histoires autour d'une tajine cuisinée au feu de bois sur la plage, avec bananes flambées au rhum s'il vous plaît. Le lendemain pluvieux, ils vont à Essaouira et je reste tranquille à patienter. La choses la plus importante en voyage à vélo est de garder la santé et savoir écouter son corps pour s'arrêter avant d'être trop fatigué. Je ne peux que remercier la pluie d'imposer ce rythme pour moi. Je peux même dormir sur un canapé dans la caravane le soir pour éviter l'installation de la tente sous la pluie, puis départ sans se presser jusque Sidi Kaouki. La route est déserte car... encore un match du Maroc ! Je trouve là-bas un spot caché pour poser ma tente proche de la plage et le lendemain je suis relativement tôt dans le trafic d'Essaouira !

La plage est magnifique et j'entre dans la médina mignonne comme tout et très touristique. En attendant Moustapha, j'explore les remparts et le port quand Toufik vient me parler. Marocain qui voyage aussi à vélo, et aussi musicien de rue, il me montre un super magasin de vélo pour que je change mes pneus et achète des chambres à air. Moustapha arrive et on explore la skala et le port chaotique plein de mouettes. On mange des sardines grillées et il m'aide pour plein de choses, on va même voir Toufik jouer àl'entrée de la médina.


J'apprends petit à petit à me laisser aller et ne pas succomber à l'injonction de "voir des choses" et avancer, ou même contrôler le voyage, il s'agit plutôt de se laisser surprendre et contredire !


Le lendemain est pluvieux mais je pars quand même spontanément lors d'une accalmie (c'est un grand plaisir d'être aussi libre dans les choix, et aussi une responsabilité de chaque instant) et évite miraculeusement les gouttes jusqu'au salon de coiffure de Moustapha dans son village, Akermoud.


Akermoud est très rural : il y a plus de chevaux que de camions et le souk est plus qu'anarchique et boueux. Je suis invité dans la maison de campagne de la famille de Moustapha en parpaing basique qu'on voit de partout avec sa petite hutte en bois. On m'offre couscous, Lben (lait fermenté), tajine puis le jour d'après je suis Moustapha pour sa journée complète de boulot, où je laisse passer la pluie une nouvelle fois.


La route du lendemain est magnifique : je passe entre les collines avec des petits champs de terre rouge verdis par la pluie et labourés avec des ânes, dans une belle route en faux plat descendant avec au fond l'atlas enneigé : il n'y a plus qu'à savourer !

Alors que je veux m'arrêter juste pour un thé à la menthe, je tombe par hasard encore sur un café bondé pour un match ! L'ambiance est super et on m'accueille avec mon vélo et mon petit drapeau du Maroc. Shahid, un jeune, vient spontanément me parler et me proposer de dormir chez lui et ses cousins. On passe une super soirée après le match de la France et je commence à mieux connaître les choses à savoir dans les maisons. Le lendemain, la route est encore magnifique et je trouve un petit oued caché pour ma tente, les étoiles sont extrêmement pures malgré la proximité de Marrakech !

J'y arrive le lendemain et je rencontre l'équipe de Pikala Bikes (https://pikalabikes.com/) entreprise "sociale" qui propose du travail et des formations à des jeunes marocain.e.s pour la mécanique vélo et le tourisme, en se finançant par un café pour touristes et un tour de Marrakech à vélo.

L'équipe est jeune et très sympa et je rencontre Filip, suisse allemand de Berne bénévole et qui voyage aussi à vélo depuis un petit moment au Maroc. C'est un exemple de savoir vivre et on s'amuse beaucoup à découvrir les rues et la nourriture de Marrakech.

J'ai même la chance d'être invité par Mounir à regarder le match France-Maroc dans un café rempli à ras bord de marocains surexcités ! Même si la fin du match fut une grande déception pour eux ils sont tous très gentils et on passe un bon moment.


Je vous écris de cette ville foisonnante où j'ai du temps quand je n'aide pas Pikala, et où j'ai pu voir l'architecture, sentir et écouter les souks et goûter toutes sortes de choses en plus d'avoir eu la chance de pouvoir explorer un petit village juste à côté de la touristique vallée de l'ourika en compagnie d'Issam, de Pikala.

C'était un chapitre assez dense et détaillé, et la suite se passera à cheval entre le moyen et le haut Atlas, quand j'aurai de nouveau un temps tranquille !