On sait qu'on est vraiment en voyage, et plus en vacances, à partir du moment où on se dit "Mais qu'est-ce que je fais la ? Pourquoi est-ce que je fais ça ?"


En effet, Quelle folie m'a poussé à quitter la chaleur du soleil et humaine de Marrakech pour me jeter dans la morsure du froid, de la solitude et des pentes raides de l'Atlas ?

Enfin si je n'aimais pas le challenge, je ne serais pas arrivé jusque là. Je vous souhaite donc tous d'abord une excellente année 2023, et des projets qui vous sortent les tripes et explosent votre zone de confort !


Première destination après Marrakech : les fameuses cascades d'Ouzoud, les plus belles et impressionnantes du Maroc. A mi chemin pour y aller, on m'indique la place à côté de la mosquée pour poser ma tente quand je demande. Mauvaise idée : bien que ça soit parfait pour la rencontre en jouant au foot avec les jeunes, c'est un peu trop ! Je ne peux pas rester 5 minutes sans sollicitation, pour m'offrir à manger, des couvertures etc.

Je découvre aussi les joies des mouqadams, "délégués de quartier" yeux et oreilles de l'état sous payés et rouages d'une machine de surveillance assez inquiétante. Par chance pour moi : pour les touristes leur seule mission est de prendre en photo mon passeport "pour ma sécurité".


À Ouzoud, la cascade et les paysages sont conformes à la réputation du lieu ! J'y reste une journée et, en faisant abstraction de l'industrie de cars de touristes venant à la journée et les centaines de restaus et magasins de souvenirs qui vont avec, ça vaut le détour ! Je prends aussi le temps de marcher un peu jusqu'à l'oued el Abid où se déverse l'oued des cascades, et que je vais suivre ensuite plusieurs jours en remontant vers ses hauteurs.

 

Il commence à faire froid la nuit au camping, et je pédale bien pour compenser, jusqu'au camping sauvage à côté du lac et barrage de Bin El Ouidane, où les habitants s'inquiètent de son niveau anormalement bas.


Après la grosse montée pour sortir de la cuvette de ce lac, on m'invite pour le thé en haut. Ça se transforme finalement en repas poisson grillé et échange assez long. Nombreuses seront les invitations aussi spontanées dans ce chapitre, et la chaleur de ces petites maisons chauffées au poêle à bois par des âmes simples et partageuses compensera largement le froid glacial des montagnes.


Néanmoins ce soir la, c'est Noël et dans un petit gîte à Tagleft, je me sens bien seul. Ce temps seul est avant tout utile et réparateur : c'est l'occasion de faire le point, laisser l'introspection d'installer d'elle même.


Encore une grosse étape pour le cuisses le lendemain qui me voient atterrir à Boutferda. La route remonte des gorges et les forêts se succèdent. Là-bas, un autre Moustapha m'aide à trouver un hôtel finalement fermé, mais me propose de dormir chez lui, où on mangera le couscous avec ses parents, frères et soeurs, et des amis qui ont aidé à labourer.

Comme souvent chez les berbères dans l'atlas, vient ensuite le tour de petites part de viande et graisse, qui me laisse plus circonspect.

De là je rejoins la grande route qui monte lentement mais sévèrement vers Imilchil. Je vois la différence de ces longs mètres de dénivelé parcourus dans le paysage : Je suis maintenant dans le froid d'un long haut plateau venteux et sans arbres. J'atteris à une auberge pour fuir le froid et me requinquer : Malika l'hôte m'apprend la légende de la création des lacs Tilsit et Isly, issus des larmes de deux amoureux contrariés par le destin de familles de groupes berbères différents (une remix de Roméo et Juliette).

Journée de repos à Imilchil chez un hôtel ou le gérant est très gentil, je me prépare à une grande traversée jusqu'à Midelt, que je découpe en 4 journées à peu près égales.

Puis c'est parti, et j'ai pas été déçu. Col après col, je suis monté à 2650 et flirté avec la neige (tout le monde là-bas en attend désespérément plus), plongé dans des vallées vertes, croisé des arbres incroyables, et de moins en moins de villages. Je dors toute fois à chaque fois chez des gens qui m'invitent gentiment même quand je visais un hôtel ou du camping, et je ne peux que remercier Saïd et ses 10 enfants, Mouha ou Mohammed qui me prête son entrepôt de travail avec cheminée, thé, réchaud etc. pour ma dernière nuit. Les paysages sont incroyables et je me laisse porter par la route insensée qui les traverse, dans cette nature sauvage et rude du parc national du Haut Atlas oriental. Cette traversée se termine en beauté avec une horrible piste défoncée où Hulm (mon vélo) décide que c'est le moment de faire grève : le froid et la crasse accumulés bloquent ma roue libre qui n'engage plus. Autrement dit je pédale et rien ne se passe...

A l'issu de cette route conseillée par mon ami Filip de Marrakech, qui est plus un processus mental qu'une route, je trouve un hôtel pas cher à Midelt et décide de m'y reposer une journée aussi. J'y passe le nouvel an sans fête, à souffler et renouer avec toute la nourriture marocaine que je connais maintenant mieux !

Malgré 2 nouvelles crevaisons à cause d'une jante mal protégée, le mental est re boosté à bloc de retour dans la haute plaine plus chaude et plate, et je file vers le parc national de Khenifra et ces immenses colines pleines de forêts de cèdres.

Première nuit en camping sauvage à me réchauffer autour d'un petit feu, puis encore une piste perdue dans ce bout du monde qui ressemble au massif central, et descente dans une forêt jusqu'à Aïn Leuh. J'y ai un énorme ascenseur émotionnel car tout content d'arriver me réchauffer à une auberge camping, j'apprends qu'elle est en fait fermée et, me préparant à poser ma tente dans le froid, je me fais en fait inviter par Ali, veuf sympathique et très humble au milieu de toutes ces maisons riches de la province d'Ifrane, aussi appelée Suisse du Maroc.

Je retrouve la télévision omniprésente dans beaucoup de foyers, le thé, la tajine, les chats etc.

C'est un bel échange avec lui et ses amis et je prends le temps le lendemain pour une petite étape jusqu'à un camping. Mais là ma roue avant est très branlante et frotte de partout. Je panique à démonter la roue pour essayer de la resserrer, et dès marocains rigolent en essayant de m'aider "En France, dès qu'il y a un problème il devient très gros. Alors qu'ici, machi mouchkil" ça me fait sourir et relativiser, mais je m'arrête quand même à la ville d'à côté, un peu en catastrophe. Juste avant Azrou, je rencontre un autre cycliste qui me parle français, avec un accent du sud. Il est de Frontignan et me baratine de sa vie de naturopathe ouvrier dans le bâtiment et messager de dieux et des corps céleste. Il parle aussi de son engagement politique royaliste dans un parti douteux dont il était le président, et des complots de la "mafia française".

Malgré toutes ces énormités il est franchement sympa bien que très conservateur, il passe sa retraite dans un petit appartement payé une bouchée de pain à Azrou, où il m'invite après m'avoir montré le réparateur de vélo. Pendant que Hulm se refait une beauté (nouvelle roue avant car les roulements étaient morts), j'explore avec René Magnac "de Jah" ses cafés et restaus habituels, les clubs de pétanque d'Azrou et Ifrane ou je renoue avec la Provence dans ce décor improbable.

Après une journée de repos, c'est reparti et je quitte ce Jura marocain dans une longue descente vers la plaine de Fes et Meknes. Entre ces deux villes, perdu loin d'Ain Taoujdtate, je finis par trouver le woofing "ferme des racines" ou je suis accueilli à bras ouverts par Hamid et Sophie, et Kader l'oncle marocain d'Hamid.

Le rêve d'Hamid est de créer un ecocamping/logements à la ferme loin des lieux touristiques surfaits, car il a longtemps travaillé dans des hôtels à Chefchaouen ou autres endroits maintenant pris d'assaut par l'industrie touristique.

Son oncle vient l'aider et est un sacré personnage, véritable clown en permanence qui arrête pas de parler arabe à tout le monde même s'ils ne comprennent rien.

La pause sera longue pour se régénérer au soleil de la plaine après ce rude, mais magnifique chapitre plein de rencontres, de paysages à crever les yeux, et d'expériences de la vie quotidienne de nombreux petits foyers, autour du poêle à bois.


J'aide aux diverses tâches à la ferme tranquille d'Hamid et Sophie en me préparant pour la dernière partie du Maroc : le Rif avant de retrouver Coco et le Nord !!