Le 6 février 2023, l'avion de Coline atterit à Tanger. Depuis Clément est accompagné dans son périple au Maroc et c'est donc à quatre mains que se rédige ce mail.

On vous conte un peu de notre voyage en pensant à vous.


"C'est en se mettant en mouvement qu'on éprouve la raideur de nos démarches". Clément l'apprend depuis maintenant 4 mois de voyage et Coline sort de son quotidien marseillais pour tester la vie d'aventure où il faut trouver presque chaque jour des nouveaux plans pour dormir, travailler sur ses peurs de la nuit et du vol de vélo, essayer de communiquer dans un darija rudimentaire (arabe marocain), repousser ses limites physiques et travailler son mental dans le vent.


 Le vélo vieux et toussotant de Clément est rejoint par un jeune rutilant sorti d'usine, le Riverside Touring 900 de Coline rebaptisé Batouta. En référence à Ibn Battuta, ce Marco Polo marocain né à Tanger qui donne son nom à l'aéroport entre autres et dont on peut voir la zaouïa (tombeau) dans la médina de sa ville natale. On arpente le nord du Maroc.



De Tanger jusqu'à Ceuta, passage obligé pour renouveler le visa de Clément. Cela se fait en trois étapes : d'abord jusqu'à Ksar Sghir par des collines longeant la côte obstruée par un temps gris où l'Espagne, suite de ce voyage, se voile pudiquement. Ensuite jusqu'à Taghramt, une étape difficile. Enfin Fnideq à la frontière de l'enclave espagnole de Ceuta qu'on visite à la journée.

De Fnideq jusqu'à Tétouan. Toujours le long de la côte méditerranéenne dévorée par les clubs meds, villages vacances et hôtels de luxe vides et tristes en cette saison.

De Tétouan jusqu'à Assilah, magnifique étape en passant par le barrage du 9 avril 1947 (date importante du discours de Tanger prononcé par Mohammed V qui marque la fin du protectorat Franco Espagnol).

Depuis Assilah, nous roulons sans sacoches pour explorer la côte atlantique d'abord en direction de Larache en s'arrêtant à Sahel Chamali puis jusqu'au Cap Spartel où les deux géants marins (Atlantique et Méditerranée) se battent et se mêlent en un gros bouillon pleins d'écume.

Ensuite nous retournons depuis Assilah jusqu'à Fnideq en s'arrêtant pour dormir à Ezzammije, coin repéré par Clément et en repassant par Taghramt.


Marseille est une belle préparation au tumulte et la vie grouillante des villes marocaines. "Juste pour le plaisir des yeux" nous disent les marchands habiles pour nous attirer dans leur échoppe. Mais attention, la vue n'est pas le seul sens à être pris d'assaut par ces médinas, Kasbah et souks. Le bruit qu'essaye de capter le micro tendu de Coline (projet sonore encore à définir) et qui ne nous quitte pas dans nos hôtels la nuit ; des coqs à toute heure aux appels à prières cinq fois par jours et chiens/chats qui se battent.

L'odeur des différents mets et produits du souk qui font saliver mais aussi des déchets et urine qui jonchent le sol. En temps qu'européens, ces déchets plastiques omniprésents nous mettent dans tous nos etats.

Le goût de tous ces plats nouveaux pour Coline , routiniers pour Clément : Harira, Bissara, Jben, Caliente, Briwat, Chebakia...

Et on passe beaucoup de temps dans les cafés uniquement fréquentés par des hommes souvent en djellaba : thé à la menthe encore et encore et thé Chiba (à l'absinthe), jus d'avocat, café zazwa au zeste de citron.


On pourrait aussi vous parler de l'ambiance de chacune de ses villes traversées où on passe à chaque fois quelques jours :

Tanger la blanche et sa belle medina aux ruelles tortueuses et pleines de vie dont la visite est rythmée par des sorties culturelles : cinéma du gran socco, musique et danse.

Tétouan et ses huisseries vertes du temps espagnol, ses souks regroupées par corps de métier comme la rue des tisserands.

Assilah, ville très calme de retraités, sa medina muséifiée pleine de street art sage.

Fnideq, ville populaire et frénétique dont chaque rue est bordée par des vendeurs ambulants et leur brouette-étale.


Ces pauses et avancées dans notre parcours à vélo suivent le diktat de la météo, plutôt très pourrie pour ce début de voyage de Coline. D'abord le vent, qui nous pousse dans nos retranchements (si fort lors de la deuxième étape au pied des éoliennes, là où on ne tient plus debout à cause d'un effet Venturi redoutable) . Ensuite la pluie, qui vient grossir des fleuves nous obligeant à faire demi tour et qui nous impose des journées farnientes. D'autres galères s'ajoutent à ça comme les maladies occasionnelles ou les infinis tracas mécaniques de Clément qui finissent par se résoudre. Et ceci grâce à l'ingéniosité sans limites des Marocains (ici rien ne se jette, toujours une réparation possible aussi alambiquée soit elle).


À chaque galère, des rencontres se créent. Dans les cyclis (réparateurs de vélo) Jawad aux mains d'argent et Taoufik, grand cycliste devant l'Eternel. Quand on cherche à dormir, Youssef à Taghramt qui nous ouvre les portes d'un étage en chantier au dessus de son café. On le remercie par une aquarelle qu'il va encadrer au dessus de son comptoir. Amal qui sur le toit terrasse à l'hôtel de Tétouan nous fait écouter du raï et tente de nous apprendre la danse du ventre... Et au tout début du voyage, Pauline, une collègue de lycée de Coline qui habite maintenant à Tanger et partage de bons moments avec nous.


Les rencontres ne sont pas seulement humaines. Partout, aussi bien en ville que dans la belle campagne marocaine, on croise chats, chiens, poules, dromadaires, moutons, vaches, chèvres, ânes à des endroits improbables parfois. Aussi à quelques endroits, des cigognes nichent haut, les aigrettes nous suivent et peuplent les arbres en nuées, en baissant les yeux des chenilles poilues traversent la route en masse (pour trouver du travail?). Comme dit un sage ami, la suite du voyage suivra les migrations ailées et pas que...


En effet, nous allons traverser la frontière terrestre entre le Maroc et Ceuta où la tension est palpable. Passeport vérifié, questions posées, photos interdites. Facile pour nous mais un obstacle insurmontable pour des milliers de gens qui ne rêvent que d'Europe... On s'apprête à prendre le bâteau de Ceuta vers Algeciras ce 27 février. On clôt donc ce chapitre marocain, long pour Clément, effleuré pour Coline et la suite de l'aventure ce sera l'Andalousie, sas hispano-mauresque. On va troquer thés à la menthe pour les cañas et tapas. Hulm et Battuta ont encore beaucoup de choses à decouvrir et nos cuisses aussi.